« CE » samedi matin là va rester comme un jour charnière dans ma vie.
Ma vraie vie à moi.
Pas celle de la prof de sport pêchue qui rit et s’enthousiasme (et a bien raison de ne rien dire, parce que quand elle le fait, elle entend systématiquement : « Mais c’est normal, tu en fais trop ! »).
Moi, celle qui a besoin d’être seule, avec elle-même.
Parce-que moi, ma vraie vie, cachée, c’est la douleur qui la dirige.
Et porter ça est tellement épuisant, que le seul moyen de me ressourcer est d’être seule, tranquille, dans la position qui me va, les habits qui me vont, au rythme qui me va. Comme si tout à coup, régulièrement, je ne pouvais plus supporter personne, toute contrainte supplémentaire devenant pour moi ingérable. Seule je me cocoone, je fais juste ce qui me convient, et j’arrête sans me justifier.
Et surtout je peux avoir mal tranquillement (si, c'est possible !), sans être irritée de ne pouvoir me plaindre ou d'être incomprise (ou de saouler tout le monde) puisque... personne ne pourrait m'entendre.
C’est un peu comme quand on fait la vaisselle alors que tout le monde boit le café à 2 m derrière vous sans avoir proposé d’aider, et... quand on fait la même vaisselle alors que les autres sont sortis faire une partie de pétanque dans le jardin. Dans le premier cas je pourrais soupirer et marmonner mon agacement. Dans le second, personne n’écoute, donc je me dis éventuellement qu’on ne m’y reprendra plus et je fais la vaisselle en pensant à des choses plus intéressantes.
Ce que je viens d’expliquer est très difficile à comprendre pour mes proches. Peut-être que cette lecture va les éclairer ?
Combien de fois m’a-t-on dit : "Mais t’es bien irritable !".
Non je ne suis pas irritable, J’AI MAL PARTOUT.
La douleur dirige ma vie, moi la gourmande, la jouisseuse, l’entrepreneuse, la balle de ping pong…
L’heure à laquelle je me réveille, l’état dans lequel je me réveille, le temps que je mets à échauffer mon corps raide et douloureux, l’organisation de ma journée par rapport aux douleurs du matin et celles du soir, la manière dont je m’habille et surtout me chausse (et donc m’habille, aïe les pieds), mon seuil de tolérance, mon niveau de patience avec les autres et avec les événements…
Combien de temps puis-je rester assise sans avoir mal au dos, aux hanches ? Combien de fois vais-je devoir changer de chaussures dans la journée pour pouvoir les supporter ? J’ose à peine dire combien j’ai mal aux pieds à marcher juste au Centre commercial dans des chaussures de ville…
Ne parlons même pas de ma pratique sportive professionnelle. Vous me lisez et vous vous demandez comment j’ai fait pour enchaîner heures de Fitness et randonnées pendant toutes ces années ?
J’ai fait, c’est mon métier, c’est ce que je fais le mieux. J’ai fait comme j’ai pu, j’ai pris l’habitude d’avoir mal.
Merci mes mâchoires de savoir se serrer et mes fossettes de continuer de sourire.
Merci Efferalgan, UPSA, Sportenine, l’arnica, Myolastan, Codoliprane, Voltarène, Feldène et tous leurs copains anti-inflammatoires…
Merci les huiles de massage, les poches de glace, les douches chaudes, Elastoplast & Velpo, les techniques de strapping (je maîtrise trop bien). Merci les ostéopathes qui m’ont si souvent accueillie en urgence (pas merci la sécu de ne pas rembourser), merci les services d’urgences, les radiologues et tout le système d’imagerie médicale (je crois que j’ai pris des rayons pour 3 générations).
Merci aussi mon estomac, en fait.
Pour de vrai : pas merci les nombreux thérapeutes qui m’ont vue passer. Je n’ai jamais entendu autre chose que « C’est comme ça, c’est le sport ».
Si le diagnostic de Spondylarthrite est confirmé pour moi dans quelques semaines, alors pourquoi tout ce temps perdu ?
Et le facteur génétique de cette maladie ? J’ai traîné mon dernier fils à l’INSEP, et le diagnostic est presque évident pour lui et son horrible mal de dos.
Et si je vous dis que ma petite sœur, non sportive, est décédée d’une hémorragie gastrique à 39 ans tant elle avait avalé de médicaments pour soigner les douleurs multiples qu’aucun médecin n’expliquait jamais ?
Imaginez comme je suis en colère.
Comme j'ai mal au cœur aussi.
J’ai mal, j’ai mal où ? Partout, on commence par où ?
Hallux valgus avancé aux 2 pieds (le drap sur le bout des pieds quand je lis le soir dans mon lit me fait mal !), entorses répétées aux 2 chevilles (donc arthrose, douleurs), muscle extenseur des orteils en feu à l’effort, nodules réguliers sur les tendons d’Achille, entorses des genoux (dont un opéré), syndrome de l’essuie glace aux 2 genoux, déchirures multiples dans les ischios-jambiers, pyriforme, pyramidal et psoas très douloureux, charnière lombo-sacrée en feu, idem pour la charnière cervico-scapulaire, tendinites des rotateurs de l’épaule, entorses du coude (l’un reste subluxé, je dois régulièrement le faire « craquer » d’une certaine manière pour pouvoir le mobiliser normalement) avec tendinites inguérissables (2 injections de gel dans coude droit pour palier absence de cartilage).
Comment te dire, toi qui me lis ? Comment te dire que je te vois d’ici. Je sais que tu ne crois pas ce que tu lis. Surtout si tu m’as eu comme prof de Fitness jusqu’il y a un an !
Comment te dire que j’ai une certaine légitimité à m’exprimer sur le sujet du « Aïe » et que mon témoignage concernant l’efficacité d’un traitement sera forcément sincère et un peu crédible ?
Voilà.
J’en suis là.
C’est comme ça.
Un jour j’ai réalisé que je pense que je pourrais sauter du 9ème étage… de saturation.
La douleur rend fou.
La douleur isole. La douleur fait mur entre le monde extérieur et moi, les autres et moi, mon métier et moi, le sport-loisir et moi…
C’est au bout du rouleau que j’ai décidé de me payer cette CRYOTHERAPIE CORPS ENTIER.
Et je sais que j’ai de la chance ; j’habite à 1h de l’INSEP, je peux organiser mes horaires de travail ! D’autres devraient poser 10 jours de congés et se payer l’hôtel pour y avoir accès, en plus de payer cette cure.
La douleur est comme un truc strident qui ne s’arrête jamais. Je vois défiler une large bande de papier dans mon cerveau, comme un électrocardiogramme. Des courbes s’y dessinent, montantes et descendantes. Une bonne vingtaine de courbes, chacune sa douleur. Je sens celle qui est au-dessus des autres. Elle obstrue tout. Et juste en-dessous toutes les autres font une espèce de danse dans le but de sauter, régulièrement, par-dessus la première.
Alors, évidemment, si, d'un coup, tout ce bazar se met sur pause : c’est comme si on coupait le son en plein Festival des Vieilles Charrues : je suis stupéfaite !
Samedi matin, donc, j'ouvre un oeil...
Et je comprends immédiatement que j’ai dormi comme une marmotte, et que je n’ai pas bougé de la nuit, ça m’arrive une fois tous les 5 ans. J’ai bien dormi. Je sens l’énergie, je pète la forme, j’ai envie de me lever. Mais en fait c’est en me redressant pour poser le pied par terre que je réalise vraiment ce qui se passe :
JE N’AI MAL NULLE PART.
On a coupé le son, c'est ça : je suis stupéfaite !
J’ai arrêté les antalgiques 1 semaine avant le début de la CRYO dont je sais qu’évidemment il y a un lien. Il se passe quelque chose.
Bon sang, la douleur a lâché.
Et ça n’est pas un nouveau médicament ou la manipulation magique d’un ostéopathe qui a réussi cet exploit. Non, c’est mon propre corps qui, sous l’impact du froid, se répare lui-même..
Quel samedi, quel week-end, quelle randonnée le mardi suivant avec mes marcheurs, quelles grosses nuits de sommeil profond, quel plaisir de dégringoler l’escalier dimanche sans même tenir la rampe, quel bonheur de mettre des talons pour rejoindre mon amoureux…
Pourvu que ça dure…
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